Connaître Séraphine de Senlis

Détails d'un tableau de Séraphine de Senlis

Séraphine de Senlis, une illustre inconnue?


Il s'en est fallu de peu pour qu'elle demeure à jamais anonyme, un obscur nom sur une liste de citoyens quelque part à Senlis, en France. Encore aujourd'hui son nom résonne peu dans la mémoire du commun des mortels  malgré les efforts faits pour lui rendre un peu de gloire et de notoriété...Je l'ai rencontrée au hasard d'une visite au musée Maillol à Paris, musée  qu'on m'avait recommandé de visiter  pour  les oeuvres de ce M. Maillol. Séraphine a été une rencontre imprévue, étonnante et marquante à l'étage du musée où nous étions conviés à la découvrir.
Et si on prenait un peu de temps pour la connaître?

Vue de Senlis
Séraphine Louis, dame peu connue, est née à Arsy en 1864, une commune du département de l'Oise, en France; Séraphine Louis dite Séraphine de Senlis est d'origine très modeste. Toute jeune, Séraphine est orpheline et elle devra travailler très tôt, d'abord comme bergère. Un peu plus tard elle sera domestique pour une congrégation religieuse et puis deviendra femme de chambre pour les riches bourgeois de Senlis, une petite ville à une cinquantaine de kilomètres au nord de Paris. Rien ne laissait présager par ses origines à ce qu'elle soit connue même au-delà de la mort...jusque ce qu'un de ses riches employeurs découvre ses occupations nocturnes...
Rue de Senlis
Seule dans sa petite chambre de bonne,  à ses heures de liberté, le soir et la nuit, Séraphine peint...de 1905 à 1930. Elle peint des fleurs, des fruits, des arbres qui s'épanouissent sur ses toiles dans un éclatement de couleurs: elle  aurait dit de ses natures mortes que ce sont des "cadeaux pour le Bon Dieu". Pour Séraphine croyante et pieuse, ses tableaux sont des représentations  de ce que pourrait être le paradis qu'elle souhaite retrouver à la fin de ses jours. Toute son oeuvre est marquée par sa réalité intérieure et sa foi qu'elle transpose dans un foisonnement de couleurs. 




C'est donc en 1912, alors que Séraphine sera domestique chez Wilhem Uhde collectionneur, critique d'art et marchand d'origine allemande qu'il découvrira  ses tableaux. Lui qui sera parmi les premiers à s'intéresser à Picasso et qui fera connaître le Douanier Rousseau, qualifiera les toiles de Séraphine  de "primitif moderne",  un art qu'on pourrait aussi qualifier de "naïf", fruit d'une autodidacte. C'était le premier pas vers la reconnaissance de son talent


...Mais il y eut la  Grande Guerre...


La Première Guerre mondiale éloigne Wilhem Uhde de la France. Il y revient en 1927 et c'est un second départ pour Séraphine qui a continué à peindre pendant toutes ces années tout en continuant son travail de femme de chambre. M. Uhde parlera des oeuvres de Séraphine comme étant l'expression d' "une passion extraordinaire, une ferveur sacrée, une ardeur médiévale". Jusqu'en 1930, Séraphine sort de l'anonymat grâce à des expositions organisées par Wilhem Uhde: pendant quelques courtes  années elle ne vivra plus dans la pauvreté...

Moment passager: la Grande Dépression limite les achats du marchand, Séraphine ne peut plus vendre ses toiles. Après 1930, son comportement change: elle sombrera peu à peu dans la folie, ce qui sera diagnostiqué comme une "psychose chronique". Elle ne peint plus, prise par son délire. Elle est internée dans un asile psychiatrique où elle mourra pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1942, dans de terribles conditions...elle mourra de faim et d'un cancer du sein...Il semble que sa biographie soit truffée de mythes qui viennent soutenir l'image de génie créateur autodidacte, une image un peu romancée peut-être?  Mais la réalité biographique se cache derrière le mythe: on peut croire que cette Séraphine Louis a eu une vie hors du commun, créant une oeuvre toute singulière.



Comme je vous disais...je monte à l'étage du musée Maillol inspirée par les détails colorés d'une  affiche nous y invitant. Immédiatement, j'ai été subjuguée par ces tableaux où les couleurs foisonnent, où les détails se multiplient et attirent le regard et où les coups de pinceaux accordent au sujet peint des allures flamboyantes, des mouvements saisissants...peut-être même étourdissants ! Des toiles qui dégagent une force impressionnante. Était-ce le reflet de l'état d'esprit de Séraphine? Est-ce que c'était des indices d'un délire naissant? De ses visions ? Qui sait? 
Je garde le souvenir d'avoir découvert une artiste dont j'ignorais l'existence jusque là ! Une artiste marquante tant par son histoire dramatique que par ses oeuvres inspirées. 




Que voyez-vous en regardant ces images?
 En ressentez-vous le même attrait que j'ai ressenti en les voyant pour la première fois?


J'aurais pu passer à côté de cette exposition  et ne jamais connaître Séraphine de Senlis...Elle aurait aussi pu passer le reste de son existence dans l'anonymat, son talent oublié à jamais si Wilhem Ulde n'avait pas été séduit par ses créations... Séraphine Louis ou Séraphine de Senlis n'a pas été oubliée,  au final elle n'est pas une illustre inconnue: les expositions, livres et  film la gardent vivante dans nos mémoires.




Il s'en faut de bien peu parfois pour que se croisent des personnes qui ensemble construisent une nouvelle facette de la réalité; il suffit de quelques hasards pour qu'on aperçoive de nouvelles possibilités...parfois il suffit de prendre du temps pour...


Peut-être auriez-vous le goût d'en savoir un peu plus sur cette femme solitaire, modeste, étrange et douée? 
Vous pourriez voir le film du réalisateur français Martin Provost, intitulé tout simplement "Séraphine" qui a été produit en 2008.
Et il y a des livres, entre autre:
-Séraphine de Senlis, Livre d'art, Gallimard, 2008
-Séraphine: La vie rêvée de Séraphine de Senlis,Françoise Cloarec, éditions Phébus, 2011




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